

Bonjour mes apprenti(e)s sorcièr(e)s. Me voici de retour parmi vous afin de vous parler de cette fabuleuse fête qu’est Lughnasadh. Elle est malheureusement un peu trop méconnue par rapport à ses semblables mais c’est une célébration tout aussi magique !
Le 1ᵉʳ août, bien avant que les calendriers modernes ne structurent l’année, les communautés gaéliques d’Irlande, d’Écosse et de l’île de Man marquaient un tournant essentiel : le début des moissons. Cette période charnière s’appelait Lughnasadh (vieux irlandais Lughnásad, prononcé approximativement « LOU-nassa »). Aujourd’hui encore, néopaïens, amateurs d’histoire et communautés rurales y voient un moment privilégié pour honorer la terre et le travail humain. Mais d’où vient exactement cette fête ?
Un nom qui raconte une histoire
Le nom Lughnasadh se décompose en Lugh — dieu brillant des arts, des serments et de la maîtrise — et násad, terme associé à l’assemblée, au rassemblement rituel et à la commémoration. On peut donc l’entendre comme « l’assemblée (ou la commémoration) de Lugh ». Dans les langues modernes, on retrouve l’empreinte de cette fête : en irlandais Lúnasa désigne le mois d’août, en gaélique écossais Lùnastal, et en mannois Luanistyn.
Lugh et Tailtiu : un mythe fondateur
Au cœur du récit se trouve Lugh, parfois appelé Samildánach (« maître de tous les arts »). Selon la tradition, Lugh aurait institué Lughnasadh en mémoire de sa mère nourricière Tailtiu, une souveraine (ou déesse) qui aurait défriché les forêts d’Irlande jusqu’à en mourir d’épuisement, afin d’offrir des terres cultivables aux hommes. Pour honorer ce sacrifice, Lugh aurait proclamé des jeux funèbres et une grande assemblée annuelle à Tailtiu (aujourd’hui Teltown, dans le comté de Meath). C’est là qu’avaient lieu compétitions athlétiques, marchés, arbitrages juridiques, alliances politiques et festivités populaires. la fertilité de la terre est un don chèrement acquis, et la communauté rend hommage à ce don par le jeu, la loi, l’échange et la gratitude.
Le calendrier et le sens saisonnier
Lughnasadh se situe à mi-chemin entre le solstice d’été et l’équinoxe d’automne : c’est la première des grandes fêtes de récolte, lorsque les champs donnent leurs premiers fruits, mais que l’incertitude météorologique peut encore tout compromettre. On remercie ce qui est arrivé à maturité, on appelle la chance pour la suite, et l’on prend des engagements pour traverser la période de travail intense que suppose la moisson.
L’óenach : l’assemblée qui structure la société
Plus qu’un simple festival, Lughnasadh était un óenach (grande assemblée) : un cadre légal et social. On y réglait des litiges, on y établissait des contrats, on y scellait des alliances — y compris des mariages d’essai (ou handfastings) dont certaines sources médiévales et traditions locales disent qu’ils pouvaient durer « un an et un jour » avant d’être confirmés ou rompus. On y organisait aussi des jeux (courses de chevaux, luttes, épreuves de force), reflétant l’idéal héroïque et la compétition ritualisée au service du corps social.
Rites et coutumes des premières récoltes
De nombreuses pratiques, variables selon les régions et les époques, convergent autour de quelques gestes forts :
Offrandes des “premiers fruits” : on apporte aux dieux (ou, plus tard, à l’église) les premières gerbes de céréales ou les premiers pains cuits avec la farine nouvelle. C’est l’idée de partager avant de consommer.
Pains et moissons : le monde chrétien a intégré cette dynamique dans la fête de Lammas (de loaf-mass, « messe du pain ») : on bénit les pains de la nouvelle récolte, signe d’une continuité entre tradition agraire et liturgie.
Rassemblements sur les collines : des ascensions rituelles et des veillées au sommet des collines marquent l’entrée dans la saison des récoltes. Dans certaines régions d’Irlande, la cueillette des myrtilles (fraises des bois ou bilberries, parfois appelée « Fraughan Sunday ») est associée au dernier dimanche de juillet, en écho à Lughnasadh.
Jeux, foires et marchés : le Tailteann Fair médiéval — et, bien plus tard, ses réinterprétations modernes — illustre l’importance des foires saisonnières : on y échange des biens, des nouvelles, des promesses.
Serments et contrats : Lughnasadh est un temps favorable aux engagements — qu’ils soient amoureux, économiques ou politiques — sous le regard d’une communauté réunie.
Christianisation, survivances et renaissances
Avec la christianisation des îles britanniques, beaucoup d’éléments de Lughnasadh ont été reconfigurés plutôt qu’effacés. La bénédiction du pain à Lammas, certains pèlerinages de fin juillet/début août, et des foires locales (où l’on trouve parfois des échos païens) ont perpétué l’esprit de la fête : gratitude, communauté et ouverture de la saison des récoltes.
À l’époque contemporaine, l’intérêt pour les spiritualités celtiques et le néopaganisme a suscité un renouveau des célébrations. Cercles rituels, ateliers d’herboristerie, fêtes communautaires et reconstitutions historiques mettent à l’honneur le cycle agraire, la souveraineté de la terre et la figure lumineuse de Lugh.
Ce que révèle Lughnasadh de la vision celtique
Trois thèmes structurent le sens profond de Lughnasadh :
Gratitude et responsabilité
Remercier pour les premières récoltes, c’est reconnaître qu’abondance et fragilité coexistent. On ne célèbre pas un succès acquis ; on espère et on se prépare.
Communauté et droit
L’assemblée n’est pas qu’un divertissement : elle organise le monde. Jeux, marchés et arbitrages donnent à la récolte une dimension sociale : ce que la terre offre doit être partagé, régulé, négocié.
Mémoire et souveraineté
En dédiant la fête à Tailtiu, Lugh relie la mémoire d’un sacrifice au droit de récolter. La fertilité n’est pas un dû ; elle s’ancre dans des récits de labeur, de transmission et d’alliance entre humains et territoire.
Célébrer Lughnasadh aujourd’hui : des gestes simples
Même loin des champs, on peut honorer l’esprit de Lughnasadh :
Cuisiner un pain avec une farine locale et le partager.
Faire une offrande symbolique (quelques grains, des fruits, des fleurs) à un endroit naturel qui compte pour vous.
Monter sur une colline ou marcher dans la nature pour marquer le passage de saison.
Renouveler un engagement (personnel, créatif, relationnel) : poser un serment, un objectif, une promesse.
Soutenir un marché de producteurs, rappel moderne des foires saisonnières.
Lughnasadh n’est pas seulement un souvenir d’un monde agraire : c’est une pédagogie du temps qui nous apprend à remercier tôt, à rassembler nos forces au bon moment, et à faire de la communauté le cœur de l’abondance. À travers Lugh et Tailtiu, la tradition nous rappelle que chaque pain rompu contient une histoire d’effort, de mémoire et d’alliance — et que la moisson est autant une affaire de lien que de grain.
Merci Enzo pour tout ce temps consacré à nous instruire, je ne connaissais pas cette fête. j’ai eu plaisir de la découvrir 🤗💙🫂👏👏
Totalement novice, je découvre à chaque article une fête qui prend tout son sens dans mon quotidien
J’aime particulièrement la conclusion de cet article “la pédagogie du temps” 💕
Merci Enzo pour ce partage très enrichissant 😘
Un grand merci à toi pour ce partage. Tu as une façon d’expliquer l’Unassad qui donne envie d’en savoir encore plus, et on sent à quel point tu tiens à ces traditions. Grâce à toi, j’ai appris plein de choses et j’ai passé un super moment à te lire. Merci du fond du cœur !
Encore un article qui est très enrichissant🥰 je me vois marcher dans un pré rempli de fleurs au bord des montagnes merci de nous faire découvrir tout cela❤️
magnifique article !
cela me rappel les Fêtes de la moisson organisée dans nos campagnes , avec encore dans certains villages , le mat de cocagne et ses rubans , et les différents concours de tressages d’épis de blés ou de tir à l’arc sur perche . Pleins de souvenir d’enfance me reviennent !
merci pour cette article
Grâce à tes partages et écrits de très belles découvertes, de nouvelles connaissances et cette envie grandissante, à la lecture de chacun de tes articles, d’en découvrir un peu plus sur ton univers……..💜