Vous parvenez à déchiffrer le texte en alphabet thébain, le langage secret des sorcières. Vous lisez à voix haute :
” Par mon sang, j’invoque le nécromancien “.
Vous attendez un instant. Il ne se passe rien. Vous passez alors votre doigt sur le sang qui s’échappe encore un peu de votre lèvre, puis l’appliquez sur le miroir. Un bruit retentit derrière vous, vous sursautez et avez un mouvement de recul. C’est de la terre qui vient de glisser de la paroi voisine. Vous esquissez un rictus de soulagement. Un murmure incompréhensible commence à s’extraire du miroir. On dirait qu’une voix chuchote dans une langue inversée. Vous reculez d’un pas. Une lueur bleue apparaît sur la surface de l’objet.
La fascination et la curiosité prennent le dessus sur la peur. Vous fixez cette lumière en attendant de voir ce qui va se présenter à vous, puis une silhouette apparaît. Un étrange individu encapuchonné de noir. Au fur et à mesure que son apparence se précise, les racines alentours se mettent à bouger pour ramper en sa direction et enserrer le miroir, comme si la terre lui offrait son énergie vitale pour faciliter son apparition. Vous l’observez en réfléchissant à ce que vous allez dire, mais il vous devance de sa voix grave et résonnante, tel un spectre à l’écho solennel :
“- Je suis le Nécromancien, et je te félicite d’être arrivé(e) jusqu’à moi. Formule ta demande.”
“- Salut à toi, Nécromancien. Je souhaiterai accéder à la clairière des matriarches.”
La silhouette marque un temps de silence, puis répond :
“- Pour quelle raison souhaites-tu rencontrer les matriarches ?
– Eh bien, il se passe des événements qui menacent l’équilibre de la forêt magique et tout son univers. Et la sorcière blanche a de bonnes raisons de penser qu’un drame couve à la clairière.
– La sorcière blanche… C’est par sa faute si je suis emprisonné ici…
– Oh, je suis désolé(e). Qu’avez-vous fait pour en arriver là ?
– Ce que j’ai fait ? Ce que J’AI fait ? Le nom de sorcière blanche lui procure t-il une immunité totale ?
– Non, je …
– Je n’ai fait qu’être moi-même, en accord avec ma nature profonde et avec les énergies qui m’entourent et me constituent. Je n’ai fait que veiller à la protection du fondateur de ces lieux. Et cette garce m’a enfermé ici, enterré, dissimulé.
Des bras squelettiques jaillissent de terre et vous agrippent les mollets. Vous tombez à la renverse en poussant un cri mêlé de surprise et de frayeur. La voix du nécromancien s’éclaircit et le timbre s’ajuste. D’autres mains cadavériques explosent le sol pour venir attraper vos avant bras. Malgré vos cris, la voix du nécromancien résonne jusqu’à votre esprit :
” – J’étais le meilleur des alliés contre la cruauté du monde ! J’étais le sauveur, la part d’ombre du fondateur ! Et on m’a banni ? Moi ?! Je ne le pardonnerait JAMAIIIS !”
Pétrifié(e), vous fermez les yeux et hurlez ” Par le très saint nom de l’archange Uriel, je viens ici répandre l’amour de Dieu !!! Ainsi soit fait !!!”
Vous ouvrez les yeux. Vous êtes allongé(e) sur le rocher. La sorcière blanche est à vos côtés, inquiète. Elle vous laisse reprendre vos esprits :
“- Tout va bien ?”
Vous ne lui répondez pas. Vous redressez la tête. La pioche est posée, la bougie éteinte. Aucune araignée. La sorcière blanche tourne la tête et sourit :
“- Vous avez réussi.”
Vous regardez dans sa direction. Au loin, par delà un vaste champ de hautes herbes, un passage s’est ouvert entre les arbres. Vous l’apercevez enfin, l’entrée vers la clairière des matriarches. Vous vous relevez tant bien que mal et regardez en contrebas. Le sol est intact.
” – Qu’est-ce qui m’est arrivé ?
– Après l’invocation, vos yeux se sont révulsés, puis vous êtes tombée comme une poupée de chiffon. Je me suis inquiétée. Je n’arrivais pas à vous réveiller. Vous allez bien ?”
Vous décidez de ne rien lui dire de ce que vous venez de vivre. Vous ramassez la bougie et la pioche que vous rangez dans le sac en toile de jute, puis tournez la tête vers votre prochain objectif :
” – Tout va bien, oui. Allons voir ce qui se passe du côté des matriarches.”
